De krant 'Le Soir' heeft tot in detail de franchiseovereenkomst gelezen, die Delhaize de nieuwe uitbaters heeft laten ondertekenen. Een overkomst met strenge regels.
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Delhaize : un contrat de franchise exerçant de fortescontraintes sur les gérants indépendants
« Le Soir » a lu en détail la convention d’affiliation que le Lion fait signer à sesnouveaux et à ses anciens gérants indépendants. Non-concurrence, assortiments,prix, ouvertures… tout est sévèrement cadenassé. Et en cas de faux pas ? C’est lasanction.
L’annonce, ce lundi, de la signature d’un contrat de franchise pour unepremière vague de quinze magasins (sur 128) en gestion propre de Delhaizen’a pas secoué que le personnel (9.200 salariés) et les syndicats. Du côté desindépendants déjà affi liés au Lion (avec des formules AD, Proxy ou Shop and Go,pour un total de 636 implantations) et de ceux qui souhaitent le devenir (pourreprendre les 113 supermarchés intégrés restants), l’inquiétude et la grogne sont demise également.
D’ailleurs, les fédérations de franchisés sont montées au créneau. Comme l’arappelé BuurtSuper en début de semaine et comme l’a clamé récemment sonpendant francophone Aplsia, ces nouveaux contrats seraient préjudiciables auxentrepreneurs tant il les corsète logistiquement, commercialement etfi nancièrement. A tel point que de nombreux candidats à la reprise se seraientdésistés, ce que dément formellement Delhaize par voie de communiqué. Et que des franchisés existants grincent des dents à l’idée de devoir signer cette nouvellemouture du document contractuel, le Lion souhaitant harmoniser les conditionsde collaboration avec tous ses affi liés.
C’est pourtant un tout autre discours que tiennent les premiers repreneursqualifi ant le contrat d’« équilibré ». Delhaize, de son côté, assure que le nouveaudocument « n’est pas plus strict » : « La philosophie reste la même, avec lapréservation de la fl exibilité et de l’ancrage local » de ses affi liés, dixit Roel Dekelver, directeur de la communication du Lion, soulignant que « certainscontrats remontent aux années 80 ». En conséquence, « il n’est pas anormal quenous les adaptions à la réalité d’aujourd’hui ». Delhaize parle doncd’« actualisation » et d’« optimisation », sans plus.
C’est un choc culturel : on passe d’un système à labelge pas trop regardant sur les détails à unsystème à la hollandaise de contrôle et depunition."
Où se situe la vérité ? Dans le fameux contrat. Il est jalousement tenu secret.Toutefois, Le Soir a pu lire en détail la quarantaine de pages de cette « conventiond’affi liation ». Par ailleurs, deux initiés, dont une personne dotée de compétencesjuridiques, le commentent, en pointant ses lignes de forces et les nouvelles notionsqu’il introduit. Ce qu’il en ressort, en résumé ? « C’est un contrat clair, structuré, debonne qualité », répond une des sources. « Mais c’est le plus strict parmi tous lescontrats de franchise existant en Belgique. Il mord un peu partout. C’est un chocculturel : on passe d’un système à la belge pas trop regardant sur les détails à unsystème à la hollandaise de contrôle et de punition, comme chez Albert Heijn (détenu également par le groupe belgo-néerlandais Ahold Delhaize, NDLR). »Delhaize y voit tout au contraire des « accords d’affi liation (qui) restent les pluslibéraux sur le marché belge de la distribution ». Voyons cela en détail, au fi l de ladernière mouture du texte.
1. L’indépendance… sur papier
La convention d’affi liation l’exprime noir sur blanc dans son article 1.1.2 : « Iln’existe aucun lien de subordination entre l’affi lié (…) et Delhaize. » L’article 8.4.4ajoute que « l’affi lié reste seul responsable de l’exploitation et des résultats dumagasin ». Pourtant, « ce contrat transforme les franchisés en fauxindépendants », juge une source. L’autre se montre plus modérée à cet égard :« D’un point de vue légal, non, on ne peut pas, à proprement parler, faire état decréation de faux indépendants. Il s’agit plutôt d’une franchise dure, vu toutes lesnouvelles conditions imposées. » On le verra plus loin.
2. Solide prise de distances après Delhaize
Très à cheval sur la non-concurrence à Delhaize, le texte prévoit une clause en casd’expiration de la convention. Dans ce cas, « l’affi lié, le(s) administrateur(s) et le(s)actionnaire(s) s’abstiennent, pendant un an à compter de la fi n de la conventiond’exercer, directement ou indirectement, en leur nom propre ou le compte d’untiers, dans l’immeuble dans lequel le magasin était exploité ou dans tout local situéà 5 km du magasin, toute activité qui entre en concurrence, en tout ou en partieavec l’exploitation du magasin et, plus généralement, avec les activités deDelhaize ».
Cinq kilomètres… Voilà qui est dur, voire impitoyable pour un entrepreneur quisouhaiterait quitter Delhaize tout en reprenant sa propre clientèle un peu plus loin,« d’autant qu’il n’existe pas de clause de non-concurrence par rapport aux AD etaux Proxy Delhaize », pointe une des personnes initiées. L’autre qualifi e cettedistance de 5 km de « bonne pratique », en ajoutant toutefois : « C’est unepremière en Belgique. Carrefour n’interdit pas à ses anciens franchisés de s’installeren face de leur ex-magasin. »
3. Des tiers peuvent prendre de l’espace
Le nouveau contrat prévoit le futur dans la défi nition du concept de magasin sujetà franchise : « Delhaize et l’affi lié reconnaissent le caractère évolutif du concept,ainsi que l’importance de faire évoluer le concept pour s’adapter, entre autres, auxdéveloppements du marché. Delhaize peut donc modifi er le concept. »
Mais voilà : « Ces compléments ou modifi cations incluent également d’éventuellescollaborations conclues entre Delhaize et des tiers en vue de proposer des produitset des services dans le magasin. » On songe par exemple à un bar à sushis ou à unatelier boucherie. Où est le problème ? « L’affi lié sera obligé de suivre à ses frais cessous-concepts. Et il sera contraint de revoir l’aménagement de son magasin pources tiers », quitte à ce que cela atteigne certaines de ses sources de revenus, répondune des personnes initiées, parlant d’« atteinte à la liberté commerciale et aumodèle économique du franchisé ».
4. Delhaize fournit presque toute la marchandise
C’est un des points qui dérangent le plus certains affi liés actuels : « L’affi liés’engage à proposer dans le magasin au moins 95 % de l’assortimentrecommandé », marchandises sur lesquelles le Lion prend bien entendu sacommission pour se rémunérer, quand bien même d’autres fournisseurss’avéreraient moins chers. Les 5 % restants de l’assortiment peuvent être fournispar Delhaize ou être constitués de « préparations en magasin à base de produitsfournis par Delhaize et/ou des fournisseurs agréés par Delhaize » ou encore secomposer de « produits locaux ».
Avec ces « détails » qui font toute la diff érence : les produits de marquesnationales, de distributeur mais aussi tous les produits frais (sauf dérogation)viendront à 100 % (donc exclusivement) de chez Delhaize. En cas de non-respectde cette clause, le franchisé s’expose à des sanctions fi nancières importantes (voirplus loin).
Il ne restera à Delhaize qu’à faire pression sur lesfournisseurs tiers pour qu’ils passent par lacentrale d’achat de Delhaize, prenant sacommission au passage et réduisant d’autant lamarge de l’affi lié."
« Donc quand Delhaize parle de liberté d’approvisionnement pour les affi liés, avecune part de produits locaux achetés en direct aux producteurs, c’est de la foutaise »,commente une des deux sources. « D’autant que la convention force le franchisé àcommuniquer à Delhaize les coordonnées et les quantités achetées à desfournisseurs tiers. Il ne restera alors plus au franchiseur qu’à faire pression sur cesfournisseurs pour qu’ils passent par sa centrale d’achat, en prenant sa commissionau passage et en réduisant d’autant la marge de l’affi lié. »
A contrario, Delhaize affi rme que « les nouveaux contrats représentent unassouplissement dans la pratique (la plupart des affi liés prennent actuellementplus de 95 % de l’assortiment de base) » : « L’affi rmation selon laquelle la libertécommerciale serait restreinte est donc totalement fausse. »
5. Des prix de vente pas si libres
Tout commerçant est censé fi xer librement ses prix. Ce n’est pas ou plus totalementacquis pour les franchisés du Lion, à la lecture de la nouvelle conventiond’affi liation… « Delhaize peut, temporairement ou non, recommander des prix devente à l’affi lié et lui imposer des prix de vente maximums. Lorsqu’il impose desprix maximums, Delhaize a le droit de contrôler les prix de vente pratiqués parl’affi lié afi n de s’assurer de leur respect. » Ajoutons ce passage : « Les prix de venteannoncés ou communiqués dans le cadre d’actions promotionnelles constituent(…) toujours des prix de vente maximums. »
Pour Delhaize, s’exprimant par communiqué, ces prix maximums visent à « assurerl’identité de la marque, en termes de pouvoir d’achat ». Une source pose toutefoiscette question : « En cas de nouvelle période d’infl ation, sans possibilitéd’augmenter nos prix, comment fera-t-on pour payer les frais, dont ceux depersonnel ? C’est la faillite ? » Pour l’autre personne initiée, le problème est plus profond : « Delhaize fi xe non seulement le prix d’achat de quasi toute lamarchandise, mais aussi le prix de vente de ces produits. En d’autres termes, ildétermine une marge maximale, donc ce que l’affi lié va gagner. »
6. Obligation dominicale
Cela semblait tenir du choix. Et pourtant… « Dans les limites des dispositionslégales, l’affi lié ouvrira le magasin le dimanche », prescrit l’article 6.5.2 de laconvention qui impose aussi un seul jour ou deux demi-journées de fermeture parsemaine.
7. Une étonnante redevance
Le franchiseur ne compte pas se rémunérer qu’avec la marge qu’il se réserve (bienlégitimement) sur la marchandise. Il introduit la possibilité d’une nouvelle sourcede revenu pour lui, « au plus tôt le 1er janvier 2025 » : une « redevance demarque », « en contrepartie du droit que Delhaize (…) concède (à l’affi lié) (…)d’utiliser le concept et les droits intellectuels ». Elle s’élève à « 4 % du chiff red’aff aires de l’affi lié hors TVA ». Pour calculer cette redevance, Delhaize n’exclutque les recettes liées au tabac.
« Delhaize indique que cette redevance sera compensée par des réductions sur lamarchandise accordées par la centrale d’achat. Mais en cas d’infl ation, lefranchiseur ne pourra pas tenir sa promesse », complète une des sources, pointantaussi que « le Lion compte également appliquer sa redevance à toutes lesmarchandises achetées ailleurs par ses franchisés ». Pour cette personne, c’estclair : « C’est un signe de plus que Delhaize ne souhaite pas que des affi liés puissenttrop bien gagner leur vie. »
Delhaize se réserve le contrôle de la bonneconduite de ses affi liés en leur imposant unsystème informatique cernant toutes les entréeset sorties de marchandises, en ce compris les prixpayés à la caisse par les clients. Le Lion contraintaussi ses affi liés à se soumettre à des auditsréguliers
Selon cette source, cela transparaît aussi dans un chapitre intitulé « garanties debonne gestion » : « L’affi lié ne peut pas accorder à son/ses administrateur(s), àson/ses actionnaire(s), à ses sociétés liées ou à des tiers le bénéfi ce d’un comptecourant ou de dividendes et/ou un quelconque avantage patrimonial, y compris desdividendes et toute autre transaction par laquelle l’affi lié diminue son actif ouaugmente son passif »… Toutefois, l’objectif de Delhaize semble plutôt de seprémunir contre de mauvais gestionnaires risquant de mettre le magasin en péril.
8. De sévères punitions
C’est nouveau également : Delhaize prévoit de lourdes sanctions en cas de non-respect par l’affi lié des dispositions de la convention. C’est-à-dire « 15 % du chiff red’aff aires annuel moyen de l’affi lié, hors TVA (…) », par manquement notammentaux clauses de non-concurrence et de confi dentialité. La pénalité s’élève à « 2 % duchiff re d’aff aires de référence, par manquement » en ce qui concerne la mise enoeuvre du concept, l’assortiment, l’approvisionnement, les ventes, etc.
On notera que Delhaize se réserve le contrôle de la bonne conduite de ses affi liés enleur imposant un système informatique cernant toutes les entrées et sorties demarchandises, en ce compris les prix payés à la caisse par les clients. Le Lioncontraint aussi ses affi liés à se soumettre à des audits réguliers. Même le fi sc nedispose pas (encore) de tels moyens de contrôle…
Jeudi chaud avec un licenciement, une grève et un blocage
Sur le front social, la situation reste elle aussi brûlante chez Delhaize. Ainsi, lepersonnel du supermarché intégré Westland à Anderlecht a-t-il débrayé tout unepartie de ce jeudi, en laissant toutefois le magasin ouvert. Les travailleurs se sontmis en grève en solidarité avec l’un de leurs collègues, licencié pour faute grave parDelhaize. Le Lion reproche à ce salarié d’avoir démoli une porte et proféré desmenaces verbales, lundi au siège de Zellik, en marge du conseil d’entreprise durantlequel les quinze premiers contrats de mise en franchise de supermarchés intégrésont été annoncés.
« Nous n’acceptons jamais la violence et le vandalisme », justifi e Roel Dekelver,directeur de la communication, précisant que l’entreprise dispose d’images et deconstats sur place. Côté syndical, on présente une autre version des faits. « Suite auconseil d’entreprise, il y a eu une échauff ourée », au cours de laquelle des coups depied ont été donnés dans une vitre par des manifestants présents, a déclaré DidierCappelle, délégué itinérant CNE, à l’agence Belga. « Ensuite, notre collègue a missa main sur la vitre, qui est tombée après avoir été déboîtée. »
Par ailleurs, toujours ce jeudi, vers 15 h, une vingtaine de militants syndicaux sesont rendus à Zellik pour bloquer le centre de distribution de Delhaize. Plus moyend’accéder au site. Mais le Lion a rapidement appelé la police locale et un huissier de justice, ce qui a signé la fi n de cette action syndicale. Vers 17 h, tous lesmanifestants étaient partis. Contactée par Belga, l’entreprise assure que ce blocagen’a pas eu d’impact sur la logistique et sur l’approvisionnement des magasins. J.B.